vendredi 25 novembre 2016

Louise Erdrich : La Malédiction des Colombes


Louise Erdrich est née en 1954 à Little Falls, dans le Minnesota.

Son père est germano-américain et sa mère est une Ojibwa (Famille des Chippewa) métissée d'ancêtres français.
Elle a grandi dans le North Dakota, où ses parents travaillaient au Bureau des Affaires Indiennes.

Louise Erdrich
Elle est l'une des figures les plus emblématiques de la jeune littérature indienne, et appartient au mouvement de la Renaissance Amérindienne.

Elle tient actuellement, près de Minneapolis, sa propre librairie, spécialisée dans les littératures et cultures amérindiennes.

 Louise Erdrich est parfois perçue comme la Toni Morrison des native people, dont elle évoque les destins mutilés.

Toni Morrison et Louise Erdrich puisent la matière de leurs récits dans l'histoire des peuples opprimés d'Amérique : celle des noirs pour l'une et celle des indiens massacrés et dépossédés pour l'autre.

Depuis une trentaine d'années, Louise Erdrich a réalisé une oeuvre d'une originalité et d'une cohérence singulières.
Elle a publié une trentaine d'ouvrages traduits en 25 langues et obtenu de nombreuses récompenses.

La Malédiction des Colombes (The Plague of Doves), 472 p, a été publié en 2008, et en français chez Albin Michel en 2010.


Depuis toujours, la petite ville de Pluto, dans la Dakota du Nord, vit sous "la malédiction des colombes" qui dévorent ses maigres récoltes, comme le passé dévore le présent.

Nous sommes en 1966 et le souvenir de quatre innocents lynchés cinquante ans auparavant hante toujours les esprits.

En écoutant les récits de son grand-père indien qui fut témoin du drame, Evelina, une adolescente insouciante, prend soudain conscience de la réalité ...

Une intrigue complexe, alternant entre passé et présent, qui ne se laisse pas apprivoiser facilement : ce roman évoque avec force le poids des secrets et du passé dans la construction des individus, mais montre aussi qu'il n'est jamais trop tard pour expier nos fautes et que l'espoir n'est jamais loin.


De vrais moments de grâce soulagent les parcours chaotiques, le labyrinthe des filiations, les spoliations, les lynchages : ils sont le plus souvent apportés par la musique.
Dans La Malédiction des Colombes, c'est un violon qui sauve la vie du grand-oncle d'Evelina et rassemble la communauté...

Ce livre magnifique dessine une fresque humaine exceptionnelle fortement imprégnée de spiritualité tout autant que de sensualité flamboyante, où dominent les thèmes de l'endurance, de l'amour, du deuil, de la perte.

samedi 15 octobre 2016

"Beloved" de Toni Morrison


Toni Morrison (Chloe Anthony Wofford) née en 1931 en Ohio, dans une famille d'ouvriers noirs américains,  est lauréate du Prix Pulitzer en 1988 et du Prix Nobel de littérature en 1993.

Toni Morrison est le dernier auteur américain à avoir reçu le Prix Nobel de Littérature, avant celui qui vient d'être décerné à Bob Dylan (à la surprise générale).

Toni Morrison

Sa notoriété était venue plus tôt, coup sur coup, suite à deux romans : Sula (1973) et Le Chant de Salomon (1977).
Mais c'est le roman Beloved, paru en 1987, et dont l'édition française remonte à 1989, qui l'a fait connaitre en France.




C'est l'histoire de Sethe, une ancienne esclave, hantée par le fantôme de sa fille.

Un jour, une jeune fille se présente chez Sethe et sa fille Denver, qui essayent alors de reconstruire leur vie après avoir échappé à l'esclavage ; elle prétend s'appeler Beloved.

Or Beloved est la seule inscription sur la tombe du bébé que Sethe a tué des années auparavant, pour la faire échapper à une vie d'esclavage...

Beloved est un roman magnifique sur l'amour, la force, la culpabilité, la dignité, la solidarité, et l'esclavage.
C'est un roman poignant et dur, qui m'a bouleversé, écrit dans une langue dont la force, et le bonheur aussi, est d'arriver à tendre vers l'indicible de notre condition humaine.

Dans son discours de réception du Prix Nobel de Littérature, Toni Morrison parle merveilleusement de la langue.

Elle parle du langage officiel forgé pour sanctionner l'ignorance et préserver les privilèges, qui est une armure outrageusement astiquée, elle parle du langage fier, mais fossilisé de l'académie, ou du langage scientifique marchandisé, du langage pseudo-empirique arrogant fabriqué pour enfermer les personnes créatives dans la geôle de l'infériorité et du désespoir...

"Ce sont là autant de variantes d'une langue qui boit le sang, se repaît des vulnérabilités, replie ses bottes fascistes sous les crinolines de la respectabilité et du patriotisme, tout en s'avançant inexorablement vers la ligne de fond de l'esprit descendu à son plus bas niveau."

Mais :

"Le travail du mot est sublime, parce qu'il est créateur ; il engendre un sens qui garantit notre différence, notre humaine différence - ce par quoi notre vie ne ressemble à aucune autre vie.

Nous mourons. C'est peut-être là le sens de la vie.
Mais nous inventons la langue.
Ce peut être la mesure de nos vies."





jeudi 13 octobre 2016

Une énorme surprise : Bob Dylan Prix Nobel de Littérature 2016 !


Un chanteur compositeur de ma génération, né en 1941, a reçu aujourd'hui même le Prix Nobel de Littérature : Bob Dylan
Une surprise de taille, pour une légende vivante!

C'est le premier chanteur ainsi récompensé par l'Académie suédoise depuis la création du Prix Nobel de Littérature en 1901.

Un tout jeune Bob Dylan ...
Ecoutez à nouveau, pour la nostalgie des années 1962, sa chanson de protestation, hymne d'une génération, qui fit de son jeune auteur de 20 ans le porte parole du mouvement des droits civiques : 

"Blowin' in the Wind"ici, enregistrée à la TV en Mars 1963.

Souvenir, souvenir : mon premier voyage aux USA date de cette année là, voyage qui sera suivi d'une longue série d'autres rencontres de la culture américaine ...


... et en 2015

Ecoutez ici, enregistré en 2006  "Thunder on the Mountain"

Ce Prix prestigieux lui a été attribué "pour avoir créé de nouveaux modes d'expression poétique".

Le journaliste Greil Marcus, journaliste et critique musical californien déclare à son propos :

"Ce qui compte dans ce qu'il fait est sa manière d'approcher les mots, de les penser, de les transformer et de les faire résonner quand il chante.
Et il fait cela avec un sens de l'invention et du défi, avec une audace et un humour qui annulent toutes les interrogations sur les capacités de ses cordes vocales. Ou celles qui consistent à savoir qui est le premier à avoir utilisé les expressions que lui-même emploie."

Bob Dylan est toujours actif aujourd'hui : il a sorti en mai son 37° album "Fallen Angels" où il interprète des standards américains popularisés par Frank Sinatra.

Ecoutez ici "Melancholy Blues", tiré de cet album "Fallen Angels".

Un lien formidable entre Littérature et Musique !! Bravo à l'Académie suédoise!

lundi 28 mars 2016

Hommage à Jim Harrison


Jim Harrison, "Big Jim" s'est éteint samedi 26 mars, à l'âge de 78 ans, à la suite d'une crise cardiaque, qui l'a fauché chez lui, en Arizona, où il avait coutume de passer l'hiver.
Voir ici et .


Mais Jim Harrison était également du Michigan, où il était né en 1937, à Grayling.

Et après avoir quitté le Michigan, Big Jim s'était installé dans une petite cabane, dans le Montana, près de Missoula.

Il y possédait des peaux de serpent, des crânes de coyote, des portraits de Sitting Bull, mais aussi de Rimbaud et de René Char.

J'ai été très touché et triste d'apprendre sa disparition, car je m'étais plongé dans certains de ses livres avec délices et enthousiasme : Dalva, De Marquette à Vera Cruz, La route du retour,...

De plus, c'était un amoureux fou de la nature et des grands espaces de l'Ouest américain, comme je le suis.


C'est pour aller en quelque sorte sur ses traces que je souhaitais me rendre depuis longtemps dans le Montana, et que j'ai pu réaliser ce rêve en juillet 2015 : nous sommes alors demeurés une semaine dans un tipi de la communauté amérindienne Blackfeet, au nord-est de Missoula et randonnions dans le Glacier National Park.

Jim Harrison s'intéressait également à la culture amérindienne, aux Lakotas en particulier, et ses sagas traitent en permanence d'histoires tourmentées de "sang-mélés".


Pour moi, il avait une écriture aussi puissante que celle de Faulkner...


C'était un gourmet, un oenologue, un amoureux de la vie, au delà de ses épreuves et de ses souffrances personnelles, et il était également amoureux de la France et de son style de vie.

Ce   "Gargantua yankee"goûtait la vie avec excès, mais revenait sans cesse à ses fondamentaux, aux piliers de sa vie : la nature, la vie sauvage, les grands espaces, la pêche, et la littérature.

"L'acte physique élémentaire consistant à ouvrir une bouteille de vin a apporté d'avantage de bonheur à l'humanité que tous les gouvernements dans l'histoire de la planète."


Cette grande gueule, démocrate de gauche, reprochait à son pays d'être oublieux de sa propre histoire, de s'être bâti dans le sang et les massacres des amérindiens, de n'être obsédé que par l'argent, d'être devenu un "Disneyland fasciste"...

J'ai visionné avec bonheur la série de DVD édités par François Busnel ("Les cahiers de François Busnel") suite à ses rencontres avec de nombreux écrivains américains.

Il avait bien entendu rencontré Jim Harrison : . Voir aussi ici .