lundi 5 janvier 2015

Hermann Broch : quelques remarques à propos du kitsch


Hermann Broch (1886-1951) est un romancier, dramaturge et essayiste autrichien.
Il est né à Vienne dans une famille de la riche bourgeoisie industrielle.

Hermann Broch

En 1907 il est diplômé de l'Ecole d'Ingénieurs textiles de Mulhouse (alors allemande).

Broch abandonne la direction de l'usine de textiles familiale et, après des études de mathématiques, de philosophie et de psychologie, en 1931, il se dirige vers le métier d'écrivain.

Il s'intéresse aux questions de philosophie liées à la culture, à l'apprentissage, aux savoirs et à la psychologie des masses. Il est marqué par la montée en puissance des fascismes en Europe.

Il est proche de l'autre grand romancier viennois de l'époque, Robert Musil.
Tous les deux sont des figures majeures de la "MittelEuropa" .

Robert Musil

Il est arrêté par les nazis en 1938 et réussit à se faire libérer avec l'aide de James Joyce et d' Aldous Huxley et il émigre aux Etats Unis.

Hermann Broch a créé l'image d'"Apocalypse Joyeuse"pour désigner le sentiment de désastre imminent et d'effondrement prochain de l'Empire Austro-Hongrois qui habitait une grande partie de ses citoyens au début du XX° siècle, tout comme Musil dans l' "Homme sans Qualités" (Der Mann ohne Eigenschaften)

Son oeuvre majeure est "La Mort de Virgile", publiée en 1945 aux USA.

Mais je voudrais signaler ici un tout petit texte de 30 pages publié en 1955 à Zürich, donc après sa mort, et édité en version française par les Editions ALLIA en 2001, dans une traduction d'Albert Kohn : "Quelques remarques à propos du kitsch".


L'argument développé par Broch dans ce court essai semble plus que pertinent et tout à fait applicable à la sphère culturelle actuelle!

"L'art kitsch ne saurait naitre ni subsister s'il n'existait pas l'homme du kitsch, qui aime celui-ci, qui, comme producteur veut en fabriquer et comme consommateur est prêt à en acheter et même à le payer un bon prix". (p 7)

"L'homme a besoin de ce miroir embellisseur mensonger pour se reconnaitre en lui, et, en une certaine mesure avec une satisfaction sincère, se ranger du côté de ses mensonges." (p 8)

"Celui qui veut chercher pour l'art de nouveaux domaines esthétiques crée des sensations artistiques, mais ne crée pas d'art.
L'art nait des pressentiments du réel et c'est eux seulement qui le font s'élever au dessus du kitsch."  (p 28)


"Le système du kitsch exige de ses partisans : "Fais du beau travail!" alors que le système de l'art a pris pour maxime le commandement éthique : "Fais du bon travail!".
Le kitsch, c'est le mal dans le système des valeurs de l'art." (p 33)

"Ce n'est pas par hasard que Hitler, comme son prédécesseur Guillaume II, a été un partisan absolu du kitsch.
Il vivait le kitsch sanglant et il aimait le kitsch des pièces montées. 
Il les trouvait "beaux" tous les deux. 

Néron, lui aussi, était pareillement un amateur de beauté empressée et ses dons artistiques étaient peut-être même supérieurs à ceux de Hitler. 

Le feu d'artifice de Rome en flammes et des chrétiens transformés en torches vivantes placées dans les jardins impériaux, avaient assurément certaines tonalités artistiques, si l'on pouvait, par le pouvoir de l'esthétisme, être sourds aux cris de douleur des victimes ou même leur donner la valeur d'une musique d'accompagnement esthétique." (p 35)

Néron jouant de la lyre devant Rome en flammes
Bien au contraire :

"L'oeuvre d'art authentique éblouit l'homme, jusqu'à le rendre aveugle et elle lui donne la vue."        (p 38)



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